Asociación para el estudio de temas grupales, psicosociales e institucionales

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R. Jaitin: A. Bauleo- E. Rodrigué-F. Ulloa. Figures mythiques de la psychanalyse groupale et inst...


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Armando Bauleo, Emilio Rodrigué, Fernando Ulloa
Figures mythiques de la psychanalyse groupale et institutionnelle  argentine


Rosa Jaitin (1) 


Résumé: R. Jaitin « Armando Bauleo, Emilio Rodrigué, Fernando Ulloa. Figures mythiques de la psychanalyse groupale et institutionnelle  argentine »
L’auteur reprend la trajectoire de ces trois grands maîtres à penser qui tout  en s’affirmant comme psychanalystes ont fait évoluer le lecture de la souffrance des liens dans l’espace groupal, institutionnel et communautaire. Cette génération disparue en 2008 nous a ouverts à de nouvelles recherches en nous léguant des méthodes pour penser la clinique et une remise en question des différentes formes possibles de transmission de la psychanalyse. Leur engagement dans la réalité sociale nous a donné des pistes pour l’articulation et la différenciation entre les niveaux intra, inter et transubjectifs des liens.
Mots clés :  psychanalyse groupale – institutionnelle -  argentine

Resumen: R.Jaitin « Armando Bauleo, Emilio Rodrigué, Fernando Ulloa. Figuras míticas del psicoanálisis grupal et institucional argentino »
El autor retoma la trayectoria de estos tres grandes maestros que afirmándose como psicoanálistas han hecho evolucionar la lectura del sufrimiento de los vínculos en el espacio grupal, institucional y comunitario. Esta generación desaparecida en 2008 nos ha abierto a nuevas investigaciones , legándonos métodos para pensar la clínica y una puesta en cuestión de diferentes formas posibles de la transmisión del psicoanálisis. El compromiso de estos tres pioneros con la realidad social nos ha dado nuevas pistas para articular y diferenciar los niveles intra, inter y transubjetivo de los vínculos.
Palabras claves : psicoanálisis grupal – Institucional - argentino


L’année 2008 a été marquée par la perte de trois analystes pionniers de la psychanalyse groupale et institutionnelle en Argentine.
Ce qui les unit a été la psychanalyse, les questionnements de l’institution psychanalytique, le groupe et les institutions, ainsi que leur engagement actif dans la réalité sociale.
Emilio Rodrigué et Fernando Ulloa  avaient près de 85 ans et ils étaient parmi les premiers analystes titulaires de l’association psychanalytique argentine, tandis qu’Armando Bauleo avait dix ans de moins et y  était entré plus tard .
Tous les trois ont rompu avec l’association psychanalytique argentine pour des raisons politiques. Ils étaient amis , en particulier Emilio et Fernando étaient amis intimes. Et tous les trois ont eu un lien d’amitié privilégié avec Marie Langer, analyste viennoise, fondatrice de l’Association psychanalytique argentine.
Tous trois ont apporté des éléments à la psychanalyse groupale. Je propose de les présenter dans l’ordre chronologique de leur apparition  dans le mouvement psychanalytique groupal argentin.

A propos d’Emilio Rodrigué (1923-2008)
Emilio Rodrigué, médecin, psychanalyste et écrivain est né à Buenos Aires le 9 janvier 1923 et il est mort des suites d’un arrêt cardiaque consécutif à une pneumonie.  Il a été sans doute très marqué par la mort de son fils, Marcos, quelques mois auparavant. Il a joué un rôle essentiel dans l’histoire de la psychanalyse latino-américaine et il fut le premier biographe latino-américain de Freud.  Il disait : « Pendant les six ans où j’ai écrit la biographie de Freud, je me suis identifié à lui, et je me suis analysé jour et nuit »  (Nouvel Observateur)
Analysé par Paula Heimman, puis contrôlé par Mélanie Klein, formé ainsi dans le sérail de l’école anglaise, il a joué un rôle dans l’histoire de la psychanalyse en Argentine, puis au Brésil, en particulier à Salvador de Bahia. Il a connu  personnellement des figures comme E. Jones, A. Freud, W.Bion, M. Klein, James et A. Strachey.  Il a introduit en Argentine avec Arminda Aberastury la psychanalyse d’enfant ainsi que  les théories de M.Klein et de Bion dans toute l’Amérique Latine.
Entre 1958 et 1962, il alla dans le Massachusetts (U.S.A.), où il travailla avec Rapaport et Erik Erikson. En 1966, il fut élu président de l’Association Psychanalytique Argentine.
Comme cela est relaté dans l’entretien entre Emilio Rodrigué et  Alejandro A. Dagfa, 19  l),
la question se pose de savoir pourquoi M. Klein l’avait choisi comme thérapeute de sa petite fille. Il connaissait l’estime qu’elle avait pour lui mais de là à être elle -même le superviseur de ce cas profitant du fait qu’il était jeune et contraint d’accepter cette « liaison dangereuse »…
Je comprends mieux pourquoi il m’envoya son fils en thérapie lorsque j’étais moi-même jeune thérapeute d’enfants et que j’utilisais avec eux des médiations ludiques comme supports de représentations (RJ 1983)
Sa première analyse avec Arnaldo Rascovsky, à 20 ans se termina de façon brutale et traumatique, dans la mesure où son analyste le tutoyant le renvoya, ce qui l’empêchait de faire toute formation didactique en Argentine. Sur le conseil de Mimi Langer et l’aide financière de son père, il partit en Angleterre  où il poursuivit son analyse avec Paula Heimann, travailla tout d’abord à la BBC et la dernière année de formation fit des analyses d’enfants et fut superviseur à la Tavistock Clinic,
Dans sa vie personnelle, il eut de nombreuses aventures amoureuses, mais il connut aussi la souffrance liée à de nombreuses séparations. Ce qui comptait pour lui c’était de profiter de la vie, de la mer, du soleil et de la plage ; c’est grâce à l’humour et l’écriture qu’il parvint à dépasser les événements de sa vie.
Il a été  président de l’Association Psychanalytique Argentine. Et ensuite il a créé avec Marie Langer, Diego y Giloux Garcia Reinoso, tous analystes didactiques, le groupe  dissident Plataforma.
Pendant le Congrès Psychanalytique à Rome, ces quatre analystes ont quitté l’IPA. Selon lui, « Plataforma a été un mouvement violent et pas mûr, mais qui a eu un grand impact sur les institutions psychanalytiques, aux USA, en Suisse, Italie et en Amérique Latine ».  Il a ouvert les portes aux psychologues argentins car l’admission à l’association psychanalytique argentine était réservée aux médecins.   Il disait : «  Je suis un dissident  de l’IPA mais non pas de la psychanalyse ».
« Mes grands maîtres ont été Mélanie Klein en psychanalyse, Suzanne Langer en logique symbolique et Marie Langer en politique.
En tant que président de Plataforma, il dût quitter l’Argentine, menacé par la dictature et se réfugia à Bahia qu’il considérait  comme  un paradis.
Il  met en place un type de thérapie spécifique avec des séances de trois ou quatre heures que les Brésiliens appelaient « shampoing » et les espagnols « saunas », du fait de l’intensité de séances destinées à des personnes analysées confrontées à des situations de conflits ponctuels.
Il a commencé le travail avec les groupes dans les années 50 à une époque où cette pratique était très contestée, mais il découvre une nouvelle forme de transfert. Il a utilisé le psychodrame avec Tato Pavlovsky, et il considère  le psychodrame comme la seule technique possible avec les adolescents.
Dans les années 70, il a été le superviseur d’un groupe d’enfants que j’ai co-animé avec M.Garcia Collins. Quelques années auparavant, il avait publié un excellent chapitre « L’interprétation ludique ’  ’  ’  »(1966) qui demeure un outil précieux pour le travail thérapeutique avec des enfants
Il collabore à l’œuvre de la New Directions in Psycho-Analysis, éditée par Mélanie Klein, et il est l’auteur avec M. Langer et L.Grinberg du premier ouvrage sur la Psychothérapie de groupe en espagnol (1961).  La même année, il écrit la  Biographie d’une « communauté thérapeutique’ . Il est également l’auteur de nombreux livres qui tous ont rencontré un énorme succès, tant dans le domaine de la psychanalyse que dans celui de la littérature.
Dans ses derniers ouvrages, il écrit la fascinante histoire de Sigmund Freud (2000) qui  se lit comme un roman.

A propos de Fernando Ulloa
Fernando Ulloa était un des fondateurs de la Faculté de Psychologie de l’Université de Buenos Aires. Il enseignait la Clinique des adultes. Loin de poser la psychopathologie dans une perspective individuelle, il introduit les « assemblées cliniques » où des centaines d’étudiants discutaient : « ils étaient eux-mêmes objets de la clinique : ils s’observaient comme communauté » dit Ulloa au Journal Pagina/12 en 2007. Il a formé un grand nombre de psychologues pour  le travail dans les institutions.
Comme beaucoup de professeurs et  d’enseignants, il quitte l’Université en 1966, après la « Nuit des longs bâtons », où les étudiants ont été agressés par la police. Il a repris en 70 jusqu’à l’installation de la dictature (1976) puis s’est exilé au Brésil, où il réside jusqu’en 1981. Il y forme des professionnels à Bahia et Rio de Janeiro ; et, à son retour, il s’engage dans la lutte pour les droits de l’Homme.
Ulloa est né à Pigué (province de Buenos Aires) le 1er mars 1924 dans une famille très aisée de l’oligarchie argentine. Il fait des études de médecine à l’Université de Buenos Aires.  Il s’intéresse à la psychiatrie et à la psychanalyse ; il était disciple direct de Pichon Rivière auprès de qui il a appris la valeur de l’attention à la « numérosité » (2).
 Pour être membre titulaire, il a présenté, pour la première fois dans l’histoire de l’Association psychanalytique Argentine, non pas un cas individuel, mais une analyse institutionnelle. Quelques années plus tard, en 1971, il quitte l‘association et il est un des fondateurs du groupe « Documento ».
Il était le vrai créateur de l’analyse institutionnelle argentine qui présente des traits spécifiques au pays par rapport à la France. Pour lui, l’analyste institutionnel n’est pas un organisateur, ni un chef, mais un clinicien, dans une position  d’écoute.
Dans ses études sur les effets de la répression militaire sur la subjectivité, il développe la notion de « cruauté » : «  J’ai commencé à travailler la question de la cruauté à partir d’une expertise pour les Grands- Mères de la Place de Mai, dans un cas judiciaire. La question   formulée par les experts était : Quelles sont les conséquences pour un bébé dont la mère a été torturée avec une dynamo, maintenue en vie jusqu’à l’accouchement et puis assassinée ? La contrepartie de la cruauté est la tendresse pour Ulloa, constitutif du sujet social qui inclut le mode de vie : le logis, la nourriture et les bons ou mauvais traitements.
Il a introduit le concept de « numérosité sociale » comme l’espace où se développent  les techniques pour produire une » pensée critique », selon ses propres mots. Dans cette optique, il a travaillé sur des conflits dans des hôpitaux publics, dans des institutions éducatives, dans des quartiers et des communes et avec des groupes de professionnels – le plus célèbre a été son travail avec les musiciens « Les Luthiers », ensemble musical renommé.
La « numérosité sociale » c’est dit-il l’effet « per ». Il s’agit de quelque chose que Freud a nommée « mémoire perlaboration ». Le préfixe renvoie à ce qui s’élargit dans le temps : ce qui perdure. C’est une mémoire qui est perdue jusqu’au  moment où  quelque chose surgit, la rend présente «  à propos de… » Dans la numérosité sociale, l’effet « per » stimule ce qui a été refoulé, sous la forme d’une « occurrence» et apparaît la pensée critique : les personnes commencent à débattre des choses que tous voyaient sans les remarquer ; elles émergent comme « analyseurs » : ces points sont suffisamment communs pour susciter l’intérêt de tous et suffisamment délimités pour que la pensée critique ne se perde pas en généralités. Quand l’analyseur s’épuise, un autre apparaît, et de cette façon se créent des structures de pensée. Le travail avec la  numérosité sociale a comme effet la manifestation des « notables » : ce sont des personnes qui ont quelque chose à dire et que l’on identifie dès les premières réunions. Ce ne sont pas les personnes qui parlent le plus ; elles ont une attitude distante. Elles écoutent en silence, avec un certain malaise, se disant : « j’ai pensé mille fois ce que lui vient de dire, mais personne ne m’a écouté ».
Le travail a toujours des effets, pas toujours dans les politiques institutionnelles mais toujours dans les subjectivités. La numérosité sociale est  en quelque sorte métaphoriquement une fabrique de notables.
Dans les dernières années de sa vie, Ulloa a beaucoup travaillé sur les « numérosités » ; avec des équipes de santé dans des quartiers défavorisés de Neuquen et de la périphérie de Buenos Aires : Cela l’a conduit à théoriser sur « la culture de la mortification », qui s’élargit : “Quand la plainte ne se surmonte pas comme protestation et les infractions ne se substituent pas aux transgressions ». (2007)
Parlant d’Ulloa, Lipcovich écrit : « Je suis allé visiter la gloire de la psychanalyse argentine, mais je me suis retrouvé face à un homme dans la plénitude, complexe et polémique sur sa pratique et avec une production théorique d’un exceptionnel intérêt : l’articulation entre santé mentale, psychanalyse et politique ». (2007)
Effectivement, lors de chacun de mes voyages à Buenos Aires, je lui rendais visite. Lors de notre dernière rencontre, il m’avait raconté ses innombrables travaux et réflexions et à la fin, en partant, il a ironisé  sur la phrase de Heidegger « être pour la mort » en me disant : «  Certains vivent pour mourir ; je voudrais vivre jusqu’à la mort ». Au point que quand je l’ai invité à la journée scientifique d’apsylien en 2007, à 86 ans son agenda était déjà plein.
J’ai travaillé avec lui de nombreuses années, dans ses groupes de formation clinique, ses célèbres « groupes de réflexion » dans lesquels il mettait en jeu la capacité d’un groupe de se penser soi-même, dans l’autogestion. Il nous donnait au début des axes de réflexion clinique puis nous laissait discuter en reprenant la fois suivante ce qui avait émergé.
Dans les années 85, j’ai supervisé avec lui des thérapies de couple puis avant ma venue en France je l’ai appelé en tant que directrice de la pédagogie universitaire à la Faculté de Psychologie et nous avons co-animé des assemblées d’enseignants. Sa capacité à coordonner  des groupes de 500 personnes avait toujours étonné tous ses disciples  : il faisait lever chaque orateur pour favoriser l’écoute  dans le silence et le respect.
Mes réflexions sur le transfert fraternel (chapitre 8, Jaitin, 2006)  se sont appuyées sur son travail sur l’amitié (F. Ulloa ,1995). Il différencie trois espaces dans l’amitié. 
Tout d’abord, « l’amitié intime  ». Ce premier pôle endogamique est propre à la famille avec une composante érotique et tendre. L’amitié serait une sorte de fraternité qui existe aussi dans le lien parento-filial. Ce type d’amitié se caractérise par la « fidélité » au groupe d’appartenance. Ce niveau de l’intime concerne aussi le lien de couple. Il peut aller de la tendresse jusqu’à la passion amoureuse. On dit couramment « petit ami ». Et en effet, ce qui est essentiel dans l’amitié est la condition de l’amour ; et l’essence de l’amour est la condition pour « tomber » amoureux de l’autre. La fidélité de l’ami implique dans le lien la possession de l’autre.
Un deuxième niveau correspond aux « amitiés quotidiennes  ». Ces sont des liens où existe l’affinité du jeu et de la parole : ils sont facilités par des ententes mutuelles qui supposent de parler à l’autre comme étant son semblable.
 Le troisième niveau concerne « les amitiés étrangères  ». Dans ce type de lien, exogamique, prévalent les différences. On ne parle pas la même langue. Le langage cesse d’être un dialecte pour se référer à l’universel. Ce sont alors les différences qui unissent. L’amitié serait ainsi un des effets de la loyauté. Les « amis étrangers » se cherchent dans la distance. Il y a un espace vide, surmontable seulement par la parole ou par la correspondance écrite. Un chapitre de l’ouvrage en 1995 est destiné à José Bleger, « son ami », qui est plus connu en France, car ses travaux ont été traduits.
La gloire d’Ulloa, c ‘était d’être devenu, dans la psychanalyse et le milieu intellectuel argentin, un référentiel  indiscutable, dans les courants les plus divers, ce que seul E. Pichon Rivière avait réalisé auparavant. Par exemple, le livre « Réflexions sur la pensée d’Ulloa », écrit quelques années auparavant par d’éminents professionnels argentins, réunis pour rassembler les enseignements du « maître », rend hommage à celui qui a formé toute une génération de psychanalystes groupaux et institutionnels.
F. Ulloa, essaie d’articuler son parcours personnel avec sa position théorique institutionnelle.
Pour reprendre ses mots : « Pour que l’acte psychanalytique existe, doit être présent le désir d’écouter autrui et aussi que quelqu’un demande d’être écouté par ce psychanalyste ». «  Le psychanalyste met en jeu l’éthique du désir, en balance avec l’éthique de l’engagement : s’il met en jeu seulement l’éthique du désir, il meurt comme Œdipe ; mais s’il travaille seulement par l’éthique de l’engagement, il meurt d’ennui. » (2007).

A propos d’Armando Bauleo
Médecin psychiatre, psychanalyste, groupaliste , il est mort le samedi 19 avril 2008 dans sa maison de Buenos Aires, sa  compagne Marta de Brasi était à ses côtés.
Les Brésiliens de Rio l’appelaient « l’intellectuel joyeux ». Effectivement son discours révèlait son grand sens de l’humour : nous avons beaucoup ri lors de notre dernière rencontre à Paris en 2007.
Je l’ai connu étant élève de l’Ecole de Pichon Rivière ; il assurait un cours autour de la notion de la « pré-tâche » dans les groupes qui donnent des éléments pour comprendre la résistance  comme défense contre l’angoisse  provoquée par la tâche, dans le cadre de la formation ou de la thérapie. Il était un des membres de la deuxième génération des disciples directs de E. Pichon Rivière. La première génération était formée de J. Bleger, E.Liberman, G. Rolla et F. Ulloa.
Il se forme comme psychanalyste à l’Association Psychanalytique Argentine dans les années 60. Il faut prendre en compte  le fait que dans ces années-là la se produit une importante polarisation politique en Amérique latine. Ainsi ces crises ont un impact sur l’institution psychanalytique  produisant des dissensions qui  peuvent la faire éclater. Pour échapper à ce risque, “Psychanalyse et Matérialisme Dialectique”, publié par José Blelger en 58 n’a jamais été discuté dans l’Association Psychanalytique Argentine.
Dans le Congrès International de Psychanalyse de Rome (1969), Marie Langer dénonce la situation et met en question la formation des analystes. Bauleo et Kesselman organisent un contre- congrès, et ils contestent l’IPA qui ne prenait  pas en compte les problématiques sociales, politiques et institutionnelles qui restaient toujours hors de toute discussion scientifique.
Alors se crée “Plataforma Internacional “, un mouvement contestataire qui rassemble des analystes italiens, suisses, argentins, entre autres. A leur retour en Argentine, ils organisent Plataforma Argentina, ce qui a pour conséquence la démission d’un important nombre d’analystes de l’IPA et c’est la première fois que se produit entre les analystes argentins une rupture pour des raisons politiques.
Par ailleurs, il collabore à l’édition des deux volumes du livre “Cuestionamos” dirigé par Marie Langer.
Il travaille avec E. Pichon Rivière comme enseignant dans son Ecole ; ainsi qu’ à l’Université de La Plata et à l’Université de Buenos Aires. Il est Maître de Conférence de l’équipe de José Bleger.
Pendant la nuit, avec Pichon Rivière, il répond aux appels des suicidaires, pour qui ils ont créée une ligne téléphonique. Bauleo voyage à Rosario et  à Montevideo, Uruguay, pour transmettre ses connaissances  sur le “grupo opérativo”.
L’Alliance Anticommuniste (groupe paramilitaire) l’oblige à émigrer: Il part en 1975 au Mexique en même temps que Marie Langer et ensuite en Espagne.
Au  Mexique, il forme des animateurs de groupe opératif,  et ses collègues vont être les fondateurs du Master I de Psychologie Sociale de l’ Université Autonome de Mexico à Xochimilco avec un dispositif  d’apprentissage groupal et plus tard le Master 2 sur les Groupes et les  Institutions. 
En Espagne, il dirige avec H. Kesselman la Revue” Clinique et Analyse Groupale”. C’est là qu’il réalise des expériences créatrices dans le domaine de la pratique communautaire ( dans les quartiers)  et que l’on connaît sous le nom de “corridors thérapeutiques”.
Ce modèle groupal d’assistance dans les quartiers apparaît comme une option différente des politiques d’enfermement et de contrôle biochimique de la maladie mentale.
Plus tard, il s’installe à Venise et organise l’Institut de psychologie sociale psychanalytique où il travaille jusqu’à la fin de sa vie. Il fait des supervisions à l’Institut de Prévention “José Bleger”  de Rimini, organisé par un de ses disciples italiens.
En 1981, à Milan , il organise le Centre International de Recherche  en Psychologie Sociale et Intitutionnelle qui se réunit tous les deux ans ( en alternance entre l’Amérique Latine et l’Europe) pour mettre en discussion les travaux avec les “grupos opérativos” et les processus d’institutionalisation. Les rencontres ont eu lieu à Cuernavaca, París, Montevideo, Madrid,  Managua et  Rimini,  où les travaux présentés ont été publiés. Après 10 années de travail , Bauleo propose la dissolution de ce Centre.
  Pendant les dernières annés de sa vie en Argentine, il participe aux congrès de Santé Mentale et des Droits de l’Homme à l’Université des Mères de la Place  de Mai, au sujet du terrorisme d’Etat.  Il travaille aussi au projet de réorganisation de l’hôpital Borda.
  En 2006, nous avons organisé ensemble un Congrès International à Madrid sur ‘L’actualité du grupo opérativo”, dans lequel étaient représentés l’Argentine, le Brésil, Cuba, le Nicaragua, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Suisse et la France. Tous ces pays, sauf la France (Apsylien), ont eu Armando Bauleo comme co-fondateur . Ce congrès international a connu une affluence importante de groupalistes et d’institutionnalistes de pays des deux continents.  Peut-être est-ce l’évenement le plus significatif  de l’histoire internationale du “grupo opérativo” ?
Bauleo a été un écrivain productif , il a publié un grand nombre d’ouvrages, personnels ou  collectifs, de préfaces et de recueils de textes ainsi qu’un grand nombre d’entretiens.
Dans ses textes, il y a toujours des idées polémiques. Il est intuitif, a une pensée associative , met en lien et fait des propositions. Il n’est pas nécessairement un théoricien, mais il écrit de la même façon qu’il anime des groupes, avec une extraordinaire capacité clinique pour analyser les différents dispositifs groupaux et institutionnels.
Parmi ses ouvrages les plus remarquables, nous pouvons citer ; Idéologie, Groupe en Famille (1970) Contre institution et Groupe (1977), Notes de Psychologie et Psychiatrie Sociale (1988) entre autres, en dehors de sa contribution à chaque convocation réalisée par les Editions des Mères de la Place de Mai et de son dernier ouvrage collectif  “Subjectivations, cliniques et Insurgences (2007) (3).
De multiples équipes constituées de psychiatres et  de psychologues lui rendent hommage aujourd’hui en Espagne, Italie, Suisse, Brésil et Mexique où il est appelé le  « maître ».

Pour conclure nous pouvons considérer ces trois intellectuels comme des personnalités ayant joué un rôle majeur dans le mouvement psychanalytique argentin et international du fait de leur génie et de leur compréhension clinique. Ils ont contribué à l’élaboration d’une nouvelle psychopathologie non centrée sur l’individu mais sur la structure des liens. En ce sens, ils ont introduit de nouveaux dispositifs d’écoute groupale, conjugale, familiale et communautaire, en gardant une totale liberté de pensée.

 

BIBLIOGRAFÍA


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- Goldenberg M , Rodrigué E. (1965) Biografía de una comunidad terapéutica, Buenos Aires, Eudeba.

- Grinberg L, Langer M., Rodrigué E.(1978) Psicoterapia de grupo, Buenos Aires, Paidos, 1961.

- Lipcovich P (2008) Las “numerosidades sociales de duelo », Journal Pagina/12, Buenos Aires, 2/06/08.
Rodrigué E., T. De Rodrigué G. (1966), El contexto del proceso psicoanalítico, Buenos Aires, Paidos.
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- Rodrigué E (1966) Ecuación fantástica,  Buenos Aires, Ediciones Hormé.
- Rodrigué E. Heroina (1972) Buenos Aires, Editorial Sudamericana.
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- Rodrigué E. (2000)  Freud, le siècle de la psychanalyse, V. 1 et 2, Paris, Désir Payot, 1966.
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- Taber B., Altschul (compiladores, (2005) Pensando Ulloa, Buenos Aires, Zorzal.

-Ulloa F. (2003) « La capacitación en psicoanálisis », Topía Revista ,37, Abril, « http://www.campopsi.com.ar.
- Ulloa F. (1995) Novela clínica psicoanalítica – Historial de una práctica, Buenos Aires, Paidos, Biblioteca de psicología profunda.
- Ulloa F. (2007)  Articulación entre salud mental, psicoanálisis y política », in Journal, Página/12, Buenos Aires, 23/04/07. Par P. Lopcovich.


 

(1) Directrice scientifique d’APSYLIEN. 24 rue Auguste Comte – 69002 – LYON
rosajaitin@wanadoo.fr
(2) Numérosité : ce terme est traduit de l’espagnol, « numerosidad », qui signifie la multitude, les foules.

(3) A la fin de cet article je reprends la compilation bibliographique réalisée par Horacio Foladori  in Escuela de Psicología Grupal y Análisis Institucional Enrique Pichón Riviere www.psicologiagrupal.cl .


 

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